Mathilde Coline Chénin

Biographie
Avant de suivre un cursus artistique au sein de l’École Nationale Supérieure d’Arts de Paris-Cergy, j’ai d’abord entrepris une thèse en histoire contemporaine, projet au titre à rallonge qui s’intéressait aux représentations et aux discours produits dans l’entre-deux-guerres sur les pratiques sexuelles dites minoritaires. Thèse commencée puis abandonnée en chemin, d’autres voies s’étant ouvertes entre temps au sein de collectifs, autonomes, utopistes et autogestionnaires en France, aux Pays-Bas et en Espagne. Ces vies-là, bien qu’aujourd’hui lointaines, continuent de résonner en certains endroits de ma pratique artistique.Au sein de cette dernière, j’explore au moyen d’écritures élargies et performatives qui naviguent entre corps, outil et langage, les formes créées par l’être-ensemble, par la co-présence de celles et ceux qui partagent un même espace et une même temporalité. Que je cherche à en imaginer de possibles agencements, à l’écrire, à le représenter ou à l’activer, il s’agit à chaque fois d’interroger le caractère tangible et imperceptiblement dense de l’espace immatériel qui nous sépare et qui nous relie. J’élabore ainsi des architectures utopiques, des jeux, des systèmes, des généalogies, des partitions ou autres collective large objects, autant de points d’amorce qui proposent de rendre palpable, en pensées ou en actes, ce qui nous fait tenir ensemble. Autant d’outils pour se mettre en mouvement, permettre l’émergence d’une attention renouvelée à ce qui fait commun, composer des nous temporaires, fragiles ou contradictoires.
En 2016, jai co-fondé le projet bermuda — projet en cours de construction d'ateliers mutualisés de production artistique (Sergy, FR) — aux côtés de Maxime Bondu, Bénédicte Le Pimpec, Guillaume Robert et Julien Griffit.
Travail en cours
Thèse (en cours) : Plus belle la vie ? Quand les artistes font forme en habitant ensemble. Au sein d’un contexte ébranlé et à risque dans lequel il s’agit aujourd’hui de ré-inventer les quotidiens en les ancrant durablement dans des lieux (LATOUR 2017; ROESKENS 2020), la question de la relation entre co-habiter et créer se pose à nouveau avec force dans la manière dont elle structure — et a structuré tout au long du XXe siècle — la pensée et les pratiques de la mise en commun.L’art aurait en effet, dès lors qu’il se rapproche de la vie — tout autant de sa forme sensible et matérielle que des usages que l’on y déploie au quotidien — une vertu transformatrice et émancipatrice (FRÉCHURET 2019). Héritant de ces représentations, les luttes urbaines et les cultures alternatives qu’elles contribuent à forger dans les années 1960-1970 font de la créativité une valeur fondamentale de la critique politique ; critique qui se déplace dès lors de l’utopie des lendemains qui chantent à l’espace quotidien des pratiques habitantes (SIMAY 2009; PATTARONI 2015). Créativité qui, dans un second mouvement largement identifié et dont nous faisons encore aujourd’hui l’expérience, voit sa destination s’inverser pour devenir une des grandeurs centrales venant justifier le nouvel ordre néo-libéral urbain (BOLTANSKI et CHIAPELLO 1999; CARMO et al. 2014; PATTARONI 2020). Au sein de ce mouvement de captation capitaliste de la créativité, les lieux collectifs de vie et de travail artistique semblent quant à eux passés de lieux de formulation d’une critique esthétique, politique et sociale à des espaces neutralisés et commodifiés dont l’activité contribue à nourrir les ressorts spéculatifs de l’urbanisme transitoire (PINARD et VIVANT 2017; HETMAN 2020). Dans ce contexte et équipée des outils de la sociologie pragmatique, la recherche entend mettre au jour ce qui se joue entre les deux modalités d’engagement dans l’action que sont le co-habiter et le créer — modalités distinctes et pourtant si nécessaires l’une à l’autre (BREVIGLIERI 1999) — en vue d’une part d’éclairer les spécificités de ce que serait le travail créateur ou travail artistique au regard de la notion de créativité (CATIN 2020) et d’autre part de dégager les manières singulières dont les artistes ont de faire commun — c’est à dire de composer et faire tenir ensemble leurs différences et leurs différends (THÉVENOT 2006; PATTARONI 2016).
Si la sociologie pragmatique s’est déjà en partie penchée sur la question des pratiques artistiques — notamment telles qu’elles contribuent à la mise en œuvre d’une grammaire libérale du commun (METTLER 2011; THÉVENOT 2014); ou encore telles qu’elles dessinent un régime d’engagement dans l’action singulier, régime dit en présence, qui met en jeu la relation à l’autre dans ses dimensions d’attention, d’écoute et de porosité (BRAHY 2019) —, elle manque encore aujourd’hui à considérer les manières qu’ont les personnes-qui-travaillent-en-artiste de faire commun dès lors que le lieu dans lequel ils·elles travaillent artistiquement est également le lieu dans lequel ils·elles habitent ensemble. S’inscrivant dans le sillage des recherches qui élaborent une pragmatique de l’espace et du commun, l’étude vise à contribuer à la formulation d’une grammaire de la mise en commun par affinité et à une sociologie qui fait des attachements et des relations de proche en proche un lieu de possible transformation politique et critique (KOVENEVA 2011; CENTEMERI 2015; PATTARONI 2016). Pour ce faire, la recherche s’adosse à plusieurs expériences. Celles de terrains de recherche menés selon les modalités de l’observation participante entre 2019 et 2021 dans deux lieux qui mettent en jeu et en tension chacun à leur manière les enjeux liés au couple co-habiter/créer, notamment au travers de la mise en place de résidences artistiques : Moly-Sabata (Sablons, FR) et La Déviation (Marseille, FR). Celle de la pratique collective dont je suis partie prenante depuis 2015 et qui a donné naissance à bermuda, ateliers de recherche et de production artistique (Sergy, FR), pratique qui a accompagné depuis ses débuts le travail de recherche et d’écriture selon des perspectives voisines et des modalités réflexives.
Formation
Diplôme National Supérieur d'Expression Plastique (Master 2)
Arts visuels
Ecole Nationale Supérieure d'Arts de Paris-Cergy (FR)
2011
Diplôme National Supérieur d'Art Plastique (Bachelor)
Arts visuels
Ecole Nationale Supérieure d'Arts de Paris-Cergy (FR)
2009
Diplôme d'Etudes Approfondies (Master 2)
Histoire contemporaine
Université de Bourgogne (FR)
2003